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ESCOUBAS E. (9/02/2013)

Eliane ESCOUBAS – Séminaire de Daseinsanalyse

9 février 2013.

 

MERLEAU-PONTY

PHÉNOMÉNOLOGIE DE LA PERCEPTION

2ème PARTIE : Le monde perçu.

ch.1 et 2 : « Le sentir » - « l’espace ».

 

Exergue :

« Le champ phénoménal n’est pas un « monde intérieur », le phénomène n’est pas un « état de conscience » ou un « fait psychique », l’expérience des phénomènes n’est pas une introspection ou une intuition au sens de Bergson ».

M-P. in Ph.P. , « Introduction, IV le champ phénoménal », p. 69-70.

Cette phrase me paraît définir en quelques mots le thème fondamental de la phénoménologie merleau-pontienne et constituer le socle sur lequel s’édifient toutes les analyses de la « Phénoménologie de la perception » de M.P.

 

Donc : pas un monde intérieur, pas un état de conscience ou un fait psychique, pas une introspection ou intuition.

 

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2ème PARTIE : « le monde perçu ».

 

Dès les premières pages de cette 2ème partie (p.236-239), M-P. met en évidence la liaison nécessaire entre mon corps et le monde perçu :

« La chose et le monde me sont donnés avec les parties de mon corps, non par une « géométrie naturelle », mais dans une connexion vivante comparable à celle qui existe entre les parties de mon corps ». Ici donc une analogie.

« La perception extérieure et la perception du corps propre varient ensemble parce qu’elles sont les deux faces d’un même acte ». Ici, on va plus loin que l’analogie ; c’est l’unité (d’un même acte).

« Le corps est un moi naturel et comme le sujet de la perception ». Ici, c’est le corps qui est affirmé comme le sujet de la perception. C’est là le point central et le leitmotiv de toutes les analyses de M-P. : le corps est le sujet de la perception.

Exemples : - la maison vue d’ici ou de là ou d’en haut ; le cube, je ne vois pas ces six faces en même temps – je vois selon la position et la situation de mon corps.

 

Chapitre I : LE SENTIR.

 

M-P. renvoie dos à dos l’empirisme et l’intellectualisme.

L’empirisme, parce qu’il met en œuvre un faux concept d’expérience, l’intellectualisme parce qu’il vise l’objectivité càd. le savoir scientifique.

            A deux reprises dans ce chapitre sur le  « sentir », M-P. déploie une série de questions (ici, p. 241 et plus loin p. 253) qui ont pour but de réduire les évidences du sens commun et donc d’ouvrir la porte à ses analyses contre l’empirisme et l’intellectualisme. Ces questions ont, selon moi, le statut d’une véritable réduction au sens de la phénoménologie husserlienne.

            Les questions posées dès le début de ce chapitre sur le « sentir » :

-         Comment pouvons-nous nous confondre avec notre corps ?

-         Comment le monde n’est-il pas en face de nous parfaitement explicite ?

-         Pourquoi le monde ne se déploie-t-il que peu à peu et jamais en entier ?

-         Comment se fait-il que nous percevions ?

C’est donc comme énigme que la perception va être interrogée – comme cette liaison du corps et de la chose, laquelle liaison ne va pas de soi.

En même temps pour procéder à son élaboration, M-P. va faire appel à des descriptions faites par des psychologues, relatant des déformations ou des maladies de la perception. Ce sont principalement la Gestaltthéorie (Goldstein et Rosenthal, Werner, Koehler, Kofka) ainsi que Schapp, et aussi Husserl et Cassirer (sur les formes symboliques). Je ne vais pas rapporter ces expérimentations qui sont notamment celles des déformations de la vision par des moyens techniques (lunettes inversantes, par exemple).

            Plusieurs déterminations du « sentir » vont en découler des analyses. Plusieurs concepts déterminants. Ce sont ces concepts déterminants du « sentir » que je vais mettre en évidence.

1)     « La sensation est à la lettre une « COMMUNION » » (p.246)

Il donne l’exemple du dormeur : ce qui était visé avant le sommeil comme signification se fait soudain situation. (les choses perçues ont une signification : en état d’éveil, elles ont une situation en état de sommeil).

Par là, M-P. rejette l’alternative de l’en soi et du pour soi (de la chose et du sujet).

« Le sentant et le sensible ne sont pas l’un en face de l’autre comme deux termes extérieurs et la sensation n’est pas une invasion du sensible dans le sentant » (p. 247-248).

Donc : la sensation est « communion » du sentant et du senti et existence. Communion : veut dire : union. Presqu’au sens de la communion chrétienne, dit-il.

2) La sensation est un genre de rêve et de dépersonnalisation.

Elle ne dépend pas de moi, en tant qu’individu réfléchissant, elle se manifeste quand elle veut, indépendamment de moi.

Il faudrait dire : « On perçoit en moi et non pas je perçois » (p.249).

Qui est ce « On » qui perçoit en moi ? On le verra – et on l’a déjà aperçu – c’est le corps.

3) Chaque sensation est comme une naissance et une mort : elle apparaît et disparaît malgré moi, sans moi pourrait-on dire. Ce qui veut dire que chaque sensation relève d’une sensibilité qui l’a précédée et qui lui survivra … « et qui fuse à travers moi sans que j’en sois l’auteur » (p. 250).

Ce qui veut dire aussi que chaque sensation appartient à un champ. M-P. écrit : « La vision est une pensée assujettie à un champ » (p. 250) – il est peut-être un peu maladroit de parler ici de « pensée ». Qu’est-ce qu’un champ ? Le champ de la sensation est spatial : « tous les sens sont spatiaux et s’ouvrent sur le même espace » (p. 251-252).

            Donc : à la suite de cette 1ère série de questions, M-P. a déployé le concept de sensation comme une COMMUNION dans un champ.

 

M-P. continue son investigation par une nouvelle série de questions :  

« D’où savons-nous qu’il y a du « pour soi » (du sujet pensant)

et d’où prenons-nous que le monde doit pouvoir être pensé » ? (p.253)

La réponse que M-P. apporte est celle de Kant : c’est l’expérience.

A la question « d’où », la réponse est « de l’expérience ».

Mais il faut s’entendre sur « l’expérience » dont il s’agit : c’est « la communication d’un sujet fini avec un être opaque d’où il émerge, mais où il reste engagé ». (p. 253).

D’où une nouvelle formulation : « l’unité des sens n’est que l’expression d’une contingence fondamentale : le fait que nous sommes au monde » (p. 255).

Être-au-monde : c’est exister. L’existence implique l’espace, nous l’avons déjà vu : toute sensation est spatiale.

C’est pourquoi, une seconde détermination de la sensation, après celle de la communion, tient dans le concept de « COEXISTENCE ».

La sensation constitue un milieu de coexistence : « pouvoir d’aller à une configuration globale qui est l’espace unique et pouvoir s’en retrancher dans la séparation d’un sens » (p. 256).

La spatialité est la « saisie des coexistences » (p. 258)

 

            Mais ce n’est pas tout et presque tout de suite on voit apparaître un 3ème concept :  celui de « COMMUNICATION ».

Les sens sont distincts mais ils communiquent entre eux. Il y a comme une « couche originaire » du sentir qui est antérieure à la division des sens. M-P, pour dire cette communication des sens, dit  que par exemple « on voit la fragilité du verre ou sa rigidité ». (p. 265).

Autrement dit : un sens fait sentir ce que son sens propre ne donne pas à sentir.

 

Par conséquent, M-P. en vient à poser une « sorte de SYNTHÈSE ».

D’où vient cette « synthèse » ? Je cite  M-P. : « Ce n’est pas le sujet épistémologique qui effectue la synthèse, c’est le CORPS, non pas le corps objectif, mais le corps phénoménal » et « il y a un intentionalité qui n’est pas une pensée. Elle prend pour acquis tout le savoir latent qu’a mon corps de lui-même » (p. 269).

Et encore : « La synthèse perceptive est pour nous une synthèse TEMPORELLE : Il y a une pré-histoire du sentir ; mon regard est prospectif et rétrospectif » (p. 276-277).

 

En résumé : la sensation est « communion » avec les choses ; elle est « coexistence » de mon corps et des choses ; Elle est « communication » des choses entre elles et avec moi et entre les diférents sens ; elle est « une synthèse temporelle ». Et le sujet de la perception, c’est mon corps. « Le corps est l’instrument général de ma compréhension » (p. 272). Et « cette table, je la perçois avec mon corps » (p. 275).

 

(Je voudrais ouvrir une courte parenthèse pour faire une comparaison sommaire entre M-P. et Henri Maldiney au sujet de la sensation. Alors que chez M-P. « sentir » est la même chose que « percevoir », Maldiney fait une différence importante entre « sentir » et « percevoir » : percevoir relève de la pensée objective et objectivante, et donc de la réflexion et de la science.

Chez Maldiney, le « sentir » ne s’accomplit pas, comme chez Husserl et sans doute encore chez Merleau-Ponty, dans le percevoir ; le percevoir n’est pas l’accomplissement du sentir. Où s’accomplit donc le « sentir » ? Il s’accomplit dans « l’exister ». Sentir, en tant qu’il est de l’ordre de la « présence », est un « pouvoir être ». Il est donc important pour Maldiney de distinguer le sentir comme moment pathique ou thymique (les termes sont de Binswanger) du percevoir comme moment gnosique ou objectif. « Pathique » n’est donc pas objectif ; mais il n’est pas non plus subjectif ; il est en-deça du subjectif et de l’objectif.

 Maldiney constate aussi que le terme Pathos (pathique) – je cite – « a le défaut de n’évoquer que des idées de passivité, alors que le moment pathique comporte en fait une activité. La moindre sensation en effet ouvre un horizon de sens en vertu de cette activité dans la passivité dont la reconnaissance par Kant constitue l’acte inaugural de toute esthétique … » (R.P.E, p. 70). . Le pathique n’est pas le « passif » ; le pathique est donc l’épreuve de l’existence et le pouvoir-être de l’homme ».

 

 

Chapitre II : L’ESPACE

 

J’en viens au chapitre 2 de cette 2ème Partie de la Phénoménologie de la perception qui nous occupe aujourd’hui : « l’espace ».

Je cite : « L’espace n’est pas le milieu dans lequel se disposent les choses, mais le MOYEN par lequel la position des choses devient possible »  (p. 281).

Là aussi, il y a, me semble-t-il,  une sorte de réduction des évidences infondées, comme allant de soi pour le sens commun empiriste ou intellectualiste. L’espace n’est pas un « milieu », mais un « MOYEN ». La différence milieu-moyen est importante.

Un « milieu » renvoie à une disposition des choses qui seraient en soi, indépendantes de la disposition ; mais un « moyen » est un moyen de la position des choses, càd. de leur être, de leur « il y a ». Il faut prendre « position » au sens fort, au sens thétique, au sens kantien. L’espace, c’est le « il y a des choses ». Elles ne sont pas seulement distribuées, elles sont. (Sans l’espace, il n’y aurait pas de choses).

            Il en découle que l’espace est « la puissance universelle des connexions ». Il faut souligner ici deux choses dans cette formule :

-          Puissance : l’espace est une puissance, ce n’est pas un fait, mais un « pouvoir faire » : l’espace « peut ».

-         Connexion : ce terme renvoie à ceux élaborés tout à l’heure pour la sensation (communion, coexistence, communication – connexion) : c’est l’ être-ensemble des choses).                  

 

M-P. en vient alors à une expérimentation (faite par les psychologues expérimentaux dont j’ai parlé) : celle des lunettes renversantes de Stratton. On donne à un sujet des lunettes qui renversent le haut et le bas. Si on lui dit de toucher sa tête, il cherche en bas (ses pieds). Mais assez vite, cela se rétablit et il touche sa tête en haut.

            M-P. tire de cette expérimentation son premier concept d’espace : « l’ORIENTATION ». Qu’est-ce que l’orientation ?

Aucune chose (aucun contenu) n’est orienté en soi. Il faut chercher l’orientation en deça de la distinction de la forme et du contenu. Car l’orientation est constituée par un acte global du sujet percevant.

Je cite (p. 289) : « Ce qui importe pour l’orientation du spectacle, ce n’est pas mon corps tel qu’il est en fait… mais mon corps comme système d’actions possibles ». M-P. ajoute : « Mon corps est là où il y a quelque chose à faire ».

            M-P. tire de là une autre notion : celle de « niveau spatial ». C’est « un sol perceptif , un milieu en général pour la coexistence de mon corps et des choses » (p. 290). Un niveau spatial est contingent, il suppose toujours un autre niveau donné. Ce qui veut dire que « l’espace se précède toujours lui-même » (p. 291). Autrement dit : il n’y a pas de commencement ni de fin de l’espace.

            Cela donne lieu dans les analyses de M-P au second concept d’espace (après l’orientation) : la « SITUATION ».

Un « Être situé », n’est pas un être pour le sujet pensant, mais un être pour le regard. (p. 292). C’est dire encore qu’ « il y a un autre sujet au-dessous de moi, c’est mon corps » (p. 294).

            Avec le concept de « situation » est jointe la notion d’ « HORIZON ». Mais, et c’est important, un horizon qui par principe ne peut jamais être atteint dans une perception expresse. Qui est imperçu, non perçu : il y a toujours donc une spatialité déjà acquise, une « préhistoire » (p. 293) - ici aussi comme pour la sensation, qui a toujours déjà commencé. L’être-situé est « recommencé à chaque moment » (p 294).

            Après l’orientation et la situation, M-P. analyse deux autres concepts de l’espace – et ces deux-là semblent les plus importants pour lui : la profondeur et le mouvement.

 

            Troisième concept : la PROFONDEUR.

            Pour les psychologues et philosophes classiques, la profondeur est une largeur vue de profil – c’est le cas pour les cartésiens, comme Berkeley par exemple : qui dit que la profondeur n’existe pas - comme M-P. le rappelle.

            Or, c’est pour lui « la dimension la plus existentielle », elle appartient à la perspective et non pas aux choses ; je cite : « La profondeur nous oblige à retrouver l’expérience primordiale où le monde jaillit : elle est de toutes les dimensions la plus existentielle, parce qu’elle ne se marque pas sur l’objet lui-même, elle appartient à la perspective et non pas aux choses » (p. 296).

            La voiture s’éloigne, la route se rétrécit au loin. Les classiques expliquent cela par la convergence des yeux et la grandeur apparente des objets. Mais convergence des yeux et grandeur apparente des objets ne sont ni signes, ni causes d’une profondeur invisible ; elles ne sont pas autre chose qu’une manière d’exprimer notre vision de la profondeur (autrement dit il faut inverser la proposition : c’est notre vision de la profondeur qui fait la grandeur apparente des objets).

La grandeur apparente n’est pas une grandeur mesurable – autrement dit : elle n’appartient pas aux objets.

Un homme vu à cent mètres n’est pas plus petit ; il est le même homme vu de loin.

Les bords de la route qui fuit vers l’horizon ne sont ni convergents ni parallèles, ils sont parallèles en profondeur.

Autre ex : la vision du cube. La définition des 6 faces et des 12 arêtes égales n’a aucun sens pour la perception.

La grandeur apparente ne résulte pas d’une inspection de l’esprit comme le dit Descartes, mais d’une inspection du regard.

C’est dire que la grandeur apparente n’est pas définissable à part de la distance ; elle est impliquée par la distance et elle l’implique

réciproquement (cf. réciprocité : stratégie fréquente chez M-P. ).

Comment définir la distance : « par la situation de l’objet à l’égard de la puissance de prise » (p. 302). Puissance d’action de notre corps.

C’est pourquoi la profondeur n’est pas une largeur vue de profil. Je cite : « La profondeur est la dimension selon laquelle les choses s’enveloppent l’une l’autre, tandis que la hauteur et la largeur sont les dimensions selon les quelles elles se juxtaposent » (p306). Important de noter :

 « les choses s’enveloppent » en profondeur

« les choses se juxtaposent » en largeur et en hauteur. 

Or, M-P. avait déjà terminé l’analyse du sentir en termes de synthèse temporelle. S’agissant maintenant de la profondeur,  on retrouve la synthèse temporelle, qui est maintenant une « synthèse de transition » (p306-307). Transition veut dire : passage – ce que nous allons rencontrer dans l’analyse du mouvement.

 

            Quatrième concept : le MOUVEMENT.

Soit un déplacement ou un changement de position.

Je lance une pierre. Je marche (p.310).

Il est clair que le mouvement n’est pas inhérent au mobile, n’est pas un attribut du mobile ; puisque le mobile reste le même pendant le mouvement. C’est ce constat que le mobile reste le même qui a fait dire à Zénon que le mouvement n’existe pas : la distance à parcourir restant la même, et comme Achille est parti plus tard que la tortue, Achille ne rattrapera jamais la tortue.

            Et pourtant bien que je ne vois aucune des positions intermédiaires (si je les vois, c’est que je les arrête, et donc le transforme le mouvement en repos), pourtant j’ai l’expérience du mouvement.

            L’expérience du mouvement, qu’est-ce à dire ? C’est dire que je ne peux pas composer le mouvement avec des positions statiques. Cela détruirait le mouvement, avec des positions statiques, je n’obtiens que du repos.

            Il faudrait distinguer alors, selon M-P. le mobile et le mouvant (p. 315). Le mobile, c’est un ensemble de propriétés (la pierre est un ensemble de propriétés) ; qu’est-ce que le mouvant ? le mouvant est un style, un comportement.

C’est assez étonnant : M-P. pose en quelque sorte un nouveau monde : qui n’est pas fait de choses, mais de « transitions » (on voit là, de nouveau, la notion de transition). C’est très important : ce nouveau monde n’est pas un monde de choses, mais de transitions. C’est dire que, dans le monde, on ne voit pas que des choses, on voit des transitions. Et qui sont aussi réelles que des choses, puisqu’on les voit. On pourrait dire aussi bien : le monde phénoménologique est un monde de transitions « Le phénomène du mouvement ne fait que manifester l’implication spatiale et temporelle » (p. 319).

Aussi : la pierre n’est pas pensée en mouvement, mais elle est vue en mouvement.

C’est dire que la relation du mobile à son fond passe par notre corps (p. 322) : c’est-à-dire que le mouvement est « une certaine PRISE de mon œil sur l’objet » (là aussi je souligne « prise » qui a été déjà employé par M-P. pour la sensation). C’est dire, comme on l’a déjà dit, que « mon corps est une puissance d’actions » (p. 326-327). C’est dire aussi qu’il ne faut pas entendre le corps comme un « organisme », comme le font l’empirisme aussi bien que l’intellectualisme. Mon corps est une puissance d’actions, c’est-à-dire mon corps est une puissance de comportement. On le sait, M-P., peu de temps avant « la phénoménologie de la perception », avait écrit « La structure du comportement » (qui n’est pas du tout « La structure de l’organisme » - M-P ; parle de « la dégradation du corps en organisme » p.327). C’est donc ici qu’il faut souligner ce nouveau monde du corps : qui n’est pas ORGANISME, mais COMPORTEMENT.

            La structure du comportement est temporelle. Et la perception suppose un certain passé du sujet qui perçoit, c’est-à-dire du corps. Là aussi une préhistoire du corps en tant que « puissance d’actions ». Sur ce point, M-P. fait appel à des psychiatres, que nous connaissons bien aujourd’hui mais que lui-même avait découverts et lus : Minkowski « Le temps vécu »), Binswanger (« Le problème de l’espace en psycho-pathologie ») et Erwin Straus (« Le sens des sens »).

 

             L’espace qu’il vient d’analyser, en tant qu’orientation, situation, profondeur et mouvement, est ce que M-P. appelle l’espace anthropologique (comme le font aussi les psychiatres que je mentionne).

« L’existence est spatiale » écrit-il (p. 339).

 

            Mais qu’arrive-t-il dans les fantasmes du rêve, du mythe, des images poétiques ? Ces phénomènes ne sont pas de l’ordre de la représentation, mais sont « une véritable présence ».  

            Alors qu’est-ce qui garantit l’homme sain contre le délire ou l’hallucination ? M-P. répond : « ce qui le garantit, ce n’est pas sa critique, c’est la structure de son espace ».

            Ce qui n’est pas garanti non plus. C’est « une vérité sur fond d’absurdité… Je fais confiance au monde » (p. 342-343).

 

            Sur l’hallucination et le délire, je ne dirai rien. Je crois que c’est le thème de la prochaine séance, avec F. Dastur.

 

            (On pourrait reprendre les termes que j’ai cités en exergue).